Cet article a été rédigé en plusieurs fois. J’en ai eu envie en janvier 2016 quand une amie, deux mois après les attentats de novembre 2015, en pleine discussion sur la déchéance de nationalité, publie :
« A situations exceptionnelles mesures exceptionnelles…..donc qu’attend le gouvernement pour rétablir la peine de mort pour les terroristes les criminels les violeurs…..ils sont sans pitié n’en n’ayons aucune. La décheance de la nationalité est une mesure symbolique….. »
Et puis j’ai oublié, tout en gardant le brouillon.
Robert Badinter est mort le 3 février 2024. Ma bibliothèque a mis à l’honneur ses écrits et j’ai emprunté « L’Abolition » qui retrace son combat contre la peine de mort et particulièrement entre le 24 novembre 1972, exécution de C. Buffet et R. Bontems et le 30 septembre 1981 vote de l’abolition. Première surprise, cela se lit bien, comme un roman et la non-condamnation à mort de Patrick Henry apparaît comme un coup de théâtre. Deuxième surprise, la date de publication : 2000 ! J’imaginais qu’il l’avait écrit beaucoup plus tôt. Juste après l’abolition pour retracer les plaidoiries qu’il a livrées contre la peine de mort mais surtout pour trouver des circonstances atténuantes aux accusés qu’il a défendus. Puisqu’au final, il insiste sur le fait que seule la plaidoirie du procès de P. Henry était celle contre la peine de mort avec comme argument, le fait que la décision de la peine de mort revenait à eux les membres du jury et cette décision faisait d’eux les meurtriers via un meurtre politique gouvernemental (governmental political murder (GPM)). Le Président de la République lui s’en sortait avec le beau rôle ; c’est à lui que revenait d’accorder sa grâce.
En 2016, j’ai donc répondu :
Hélas, aucune étude ne lie la baisse de la criminalité et la peine de mort. De plus, si certains de ces humains commettent des crimes si odieux que de se transformer en bombe humaine, je ne pense pas que la peur d’être condamné à mort ne les empêche de faire quoi que ce soit. Ensuite, dans un état de droit affirmer – réaffirmer ses valeurs me parait un acte fort. Enfin, la peine de mort doit être lié au taux d’erreur judiciaire. Tuer des innocents est un crime – regretter d’avoir tué un innocent devrait l’être. Mes sources : https://www.amnesty.be/archives-2708/archives/archives_campagnes_peine-de-mort/Combattre-la-peine-de-mort-avec/article/fiche-no2-la-peine-capitale-a-t ; http://observatoiredesidees.blogspot.fr/2011/09/peine-de-mort-et-taux-de-criminalite.html et http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/L-abolition-de-la-peine-de-mort-n-a-pas-debouche-sur-un-regain-de-criminalite-_NG_-2010-02-23-547253. »
La réponse n’avait pas tardé :
« Joëlle je dis remettre au goût du jour la peine de mort … pas dans 100% des cas ….mais dans des cas bien précis. Relis mon post….les sanctions en vigueur sont nulles. Et il faut marquer les esprits …. ».
J’étais donc totalement rassurée ; le voleur à la tire ne serait pas condamné à mort !
J’ai donc des amis qui sont pour la peine de mort ce qui statistiquement n’est pas étonnant. En mai 2015, Le Monde proposait un article « 52 % des Français sont favorables au retour de la peine de mort » qui précisait que cela constituait sept points de plus qu’en 2014. Le livre de R. Badinter regorge de sondages et le dernier qu’il cite et celui du Figaro du 17 septembre 1981, où 62% des personnes interrogées se déclaraient pour la peine de mort. Des sondages plus récents sont disponibles sur la page Wikipédia à la fin de la section Opinion française.
Si toute la gauche était contre la peine de mort, ce n’était pas le cas à droite. Robert Badinter cite donc ceux qui ont partagé son combat dont J. Chirac et P. Séguin. J. Kaplan s’est prononcé contre ainsi que des représentants de l’Église catholique. D’autres ténors du barreau ont accompagné le combat dont A. Naud et E. Pollak. L’Association pour l’abolition de la peine de mort était présidée par Georgie Viennet (dans le livre Vienney !)
En Europe, la France était loin d’être le premier pays à l’abolir. Du coup, si un criminel arrivait à fuir la France. L’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse refusaient de l’extrader car il risquait la peine capitale. Enfin, Badinter rappelle que si lui a vu la conclusion de ce combat, il existait depuis deux siècles. En France, un des premiers à l’avoir demandée est Louis Michel Lepeletier de Saint Fargeau en 1791.
Badinter par C215